Bonjour Marina, est-ce que tu pourrais te présenter? Je m’appelle Marina, j’ai 23 ans et je suis artiste plasticienne. Je vis entre mon appartement parisien, et mon atelier à Vernon, en Normandie.
Photographie: Philippe Bucamp
Quelle est ta pratique et depuis quand y travailles-tu?
Si je m’efforce de garder une activité artistique variée, je travaille principalement sur des sculptures qui tendent à réinventer des canons et des stéréotypes de l’art, en utilisant des techniques de moulage que je détourne. J’ai commencé à développer de telles notions au moment de mon DSAA métier d’art à l’Ensaama, à travers un mémoire de recherche intitulé « Mouler n’est pas copier ». Je tenais à démontrer la possibilité de mener une activité créative et sensible, avec une technique traditionnellement dédiée à la reproduction stricte des sculptures. J’ai alors décidé de jouer avec les canons gréco romains, qui à mon sens, appartiennent à un inconscient collectif, et apparaissent comme une icône de la sculpture. Historiquement le style antique a beaucoup été utilisé pour représenter le pouvoir (je pense au buste de Napoléon, par Antoine Denis Chaudet), il s’agit donc de s’amuser avec ces formes de pouvoir artistique, de les désacraliser avec légèreté. En exploitant tout ce que les matériaux et les techniques du moulage me permettent, je mets en scène ces canons de manière fragmentée ou déformée, avec poésie je l’espère, avec humour parfois.
Une création pour nous faire rentrer dans ton univers?
Pour vous faire entrer dans mon univers, je peux vous présenter cette pièce que j’ai intitulé « Cheveux aux vents ». Je joue avec le caractère stylisé de la chevelure des bustes antique en l’amplifiant, et je fais disparaître le socle pour accentuer le mouvement. Je suis très satisfaite par cette pièce car je trouve l’ensemble lisible, la déformation simple et poétique, et le stéréotype facilement identifiable.
Peux-tu nous parler de ton processus de création?
Je pars toujours d’un modèle que je choisis, encore une fois, pour son caractère très identifiable. Soit je le récupère directement, sois j’en modèle moi-même une copie. Je réalise ensuite un moule traditionnel ou des moules qui présentent déjà des formes de décalage. Arrive ensuite le moment du tirage où je coule le plâtre dans le moule. C’est une partie du procédé qui peut être assez aléatoire. C’est enfin au moment du démoulage que je découvre le résultat, que j’adapte et retouche à ma guise. Le temps de retouche est souvent très long, beaucoup plus que le temps de tirage.
Quelles sont tes sources d'inspiration? Comment arrives-tu à rester créative?
Je puise beaucoup mes inspirations dans la littérature et le théâtre absurde, avec des auteurs comme Dubillard, Ribes, Queneau...J’y trouve des procédés de collages, de juxtapositions, de décalage et de déformation que j’essaye de traduire dans mes sculptures. J’aime beaucoup les natures mortes de Man Ray également, et le traitement des objets archétypaux qui y est fait. Pour rester créative, j’essaye de me lancer régulièrement des défis de création variés, de réfléchir à des manières de faire évoluer mon travail, je teste de nouveaux médiums, de nouveaux matériaux, de nouvelles couleurs.
Quels sont tes futurs projets? Je prépare un projet encore secret avec Isabelle Huard, (@isa_huard_design), encore quelque chose de quelque peu surréaliste, qui mélange nos deux univers. Je vais poursuivre ma collaboration avec Tiffany Bouelle (@tiffanybouelle) dont j’ai déjà pu présenter les débuts. Sinon, j’anticipe la création de sculptures plus grandes et plus imposantes, en cherchant de nouveaux langages. Selon toi quel rôle est celui d'un artiste (designer ou artisan) dans le monde d’aujourd’hui? C’est une question intéressante dans le contexte actuel ! Si je peux bien souvent ressentir une sensation de profonde inutilité vis à vis des crises sociales, sanitaires et politiques, certaines initiatives ont pu me faire changer d’avis. Je pense à des projets comme les ventes aux enchères @wegivecollab ou les ventes de cartes illustrées @lescartesvitales dont les recettes ont été intégralement reversées dans la lutte contre le virus. Hors de ce contexte, on peut également penser à l’association Lasource dédiée à l’éducation créative. En exploitant les outils des artistes et l’engouement que cela peut générer, des aides financières non négligeables ont pu être récoltées. Si la création peut parfois sembler déconnectée du monde, l’artiste lui, ne l’est pas, et a possibilité de s’engager activement. De quoi tu ne pourrais plus te passer? De mon atelier, que j’ai le grand luxe d’avoir gratuitement, car situé chez mes parents. Je l’ai aménagé petit à petit, j’y suis très confortablement installée pour travailler. Ton Artiste (ou designer / artisan) préféré? Roberto Ruspoli, qui travaille sur des fresques inspirées de l’imagerie greco romaine. Les inspirations sont les mêmes que pour moi mais le travail est très différent. Je trouve qu’il mène ses fresques avec beaucoup d’élégance et de simplicité. Un livre ou une émission à nous conseiller? La petite Marchande de Prose, de Daniel Pennac, ainsi que toute la série « Malaussène » écrite par cette auteur. De la littérature qui reste simple, accessible drôle et palpitante. Un compte Instagram qui t’inspire? Celui d’une sculptrice et animatrice qui s’appelle Ines Pagniez @inespagniez. On est loin de mon univers mais j’aime beaucoup cette atmosphère colorée et enfantine. Une destination rêvée? Rome, définitivement. J’ai envie d’y séjourner quelques semaines pour tout dessiner, tout visiter, pour plonger profondément dans cette période qui me passionne.
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