Photographie: @superroukyx
Bonjour Lolita, est-ce que vous pourriez vous présenter ?
Bonjour, je suis Lolita Prune, 24 ans, je vis à Lyon mais on me trouve très souvent à Paris et Marseille, également dans la campagne française comme les Alpes et l'Ardèche (dont je suis originaire). Je suis principalement peintre, apprentie tatoueuse, illustratrice et je customise également des vêtements de seconde main.
Quelle est votre pratique et depuis quand y travaillez-vous ?
Je suis artiste multi-disciplinaire et j’ai lancé mon activité depuis janvier 2021.
Comment êtes-vous arrivée là ?
Depuis petite, je sais que je veux créer et en vivre, c’était mon unique plan de carrière et ça l’est toujours. À la sortie de mon bac je pensais être trop ambitieuse et qu’il était trop compliqué d’en vivre alors je me suis dirigée sagement vers les arts appliqués en pensant que c’était un bon compromis entre la raison et le coeur. J’ai été graphiste et chargée de communication pendant 2 ans mais ce n’était pas pour moi. Je ne supportais pas d’être devant un écran et la matière me manquait. Alors j’ai arrêté et je me suis donnée 2 ans pour me lancer. Parmi l’éventail des pratiques artistiques qui me passionnent, la peinture sur toile et sur textile, le tatouage (que j’apprends actuellement) sont apparues pour moi comme les plus évidentes et pertinentes pour pouvoir en vivre. Je ne suis encore qu'au début du chemin.
Quels sont les médiums que vous utilisez ?
Il y en a beaucoup. Je suis obsédée par le travail des mains et la matière donc si je dois choisir : mes préférés sont l'utilisation de la peinture qu'elle soit sur toile, papier ou tissu ; le verre pour le vitrail ; et l'argile pour le modelage et la sculpture. En résumé, plus il y a d'outils à utiliser, de la matière à transformer, du bazar sur mon plan de travail, des mains salies ou blessées, plus je vais adorer.
Qu'est-ce qui définit votre travail ?
C’est d’abord la diversité de mes pratiques. J’ai cru devoir choisir entre elles pour être pertinente en vue d’un public et d’une clientèle possible mais le fait est que si je choisis je perds l’essence de ma créativité. Alors j’ai décidé d’accepter et d’aimer mon "bordélisme" artistique au lieu de lutter contre. Ensuite, ma manière de travailler est presque toujours fastidieuse, détaillée et ritualisée ; du tatouage à la peinture en passant par le vitrail, j’aime passer des heures sur le détail d’une production. Enfin, en terme de représentation et d’identité mon travail se définit par un trop plein d’images, de références, d’émotions, de couleurs saturées qui interrogent le rapport au mauvais goût. En réalité c’est un moyen pour moi d’apaiser ma petite tête remplie de passions, de pensées, d’idées et d’interrogations qui vont dans tous les sens.
Travaillez-vous sur d'autres projets extérieurs ?
Oui ! À côté je fais également du vitrail, de la mosaïque, de la sculpture, de l'animation (image par image) et de la photographie. Le tout quand j'ai le temps et l'argent de pratiquer.
Une création pour nous faire rentrer dans votre univers ?
La dernière toile que j’ai peinte. C’est une peinture acrylique de 60x90cm qui rassemble tout ce qui définit ma pratique picturale. Un travail manuel fastidieux et précis qui en devient méditatif et obsessionnel ; une overdose de détails et de couleurs saturées ; un sujet féminin montrant des émotions intenses et des références culturelles de mon adolescence, un résultat se rapprochant dangereusement du mauvais goût. Elle fait partie d’un triptyque de 3 peintures. Ce sont tous des portraits féminins très colorés : un visage vert qui pleure, un visage rose qui boude et ce visage bleu qui cri.
Pouvez-vous nous parler de votre processus de création ?
Dans mon cas le processus ne commence pas de l'idée mais du médium, de l'envie de créer quelque chose avec mes mains. Je vais avoir envie de peindre, alors je vais regarder ce que j'ai comme matériel, si j'ai assez de peinture et un support disponible (papier, toile, tissu, etc.) je rassemble le tout puis viens alors l'idée. Parfois en quelques secondes je me fais une image mentale claire de ce que j'ai envie de créer et parfois c'est au fur et à mesure que les détails s'accumulent et que les idées viennent. Ce que je produis est toujours instinctif. Il m'arrive quand même ensuite me demander pourquoi j'ai voulu représenter les choses sous cet angle, mais je préfère ne jamais trop communiquer sur la symbolique de mon travail, je pense qu'à trop vouloir expliquer ou catégoriser ses productions on contraint les autres à le voir sous notre angle unique.
Quelles sont vos sources d'inspiration ? Comment arrivez-vous à rester créative ?
Mes sources d'inspiration changent souvent, mais viennent toujours de plusieurs univers aux antipodes les uns des autres : en ce moment c'est l'iconographie chrétienne, la girly culture et aussi comme la plupart des créatifs mon environnement direct (des visages, des couleurs, des images que je vais croiser dans ma journée). Pour rester créative, c'est ironique mais je me donne l'occasion et le temps de ne pas l'être. C'est dans ces périodes d'absence de création que je vide mon esprit et que ma tête libère de l’espace pour se nourrir d'images, de connaissances, de rencontres et donc d'inspirations nouvelles qui vont ensuite me stimuler dès que revient le besoin ou l'envie de créer à nouveau.
Quels sont vos futurs projets ?
Mes projets à court-terme sont de continuer de me former à la pratique du tatouage pour en faire légitimement une partie importante de mon métier ; de trouver une résidence artistique pour prendre le temps de peindre, de faire des vitraux, de la mosaïque et du modelage pour organiser une exposition de mon travail ; enfin d'essayer des pratiques qui viendront nourrir mon envie constante d'apprendre de nouveaux savoirs-faire manuels. Mon projet long-terme est de retaper une vieille maison dans le sud-est, d'y construire un grand atelier où je pourrais pratiquer tous les médiums qui me passionnent au milieu de la campagne qui m'est chère.
Selon vous quel rôle est celui d'un artiste (designer ou artisan) dans le monde d’aujourd’hui ?
J’en ai plein en tête mais je vais rester sur deux : Le premier est de rappeler au sein d’une société en quête de rentabilité de temps, d’argent et d’efficacité constante que la beauté de l’existence humaine se situe dans ce qui ne l’est pas. Être artiste, c’est autoriser les hommes à prendre le temps, à interroger, à aimer, à s’écouter, à regarder. L’artiste c’est un peu le psychologue et les vacances du monde. Le deuxième est historique. Les artistes, designers et artisans créent ce qui va être la mémoire matérielle ou intellectuelle d’une époque pour les générations suivantes. On lit l'Histoire au delà des archives sur ce qu’il reste matériellement d’une époque alors je pense que chaque production artistique (qu’elle soit engagée ou non, validée ou non par le milieu de l’art et le public) est un témoignage important et participent à l'écriture de l’Histoire.
De quoi vous ne pourriez plus vous passer ?
J’ai un petit rituel un peu obsessionnel dont je ne pourrais plus me passer. Un coin tranquille sur le sol, tout mon matériel étalé autour de moi, une petite lumière douce ou naturelle, un goûter, un café, de la musique et là je peux commencer.
Photographie: @ahn_ana
Ton Artiste (ou designer / artisan) préféré ?
Mon amoureux Thibaut Vuillemard, il est artisan tailleur de pierre mais officieusement il a les deux autres casquettes d’artiste et designer. Il commence à conceptualiser, dessiner et réaliser des objets en marbre ou en pierre pour ses proches et lui-même qui sortent de son métier d’artisan pur. Nous partageons la même vision du beau mais nous l’appliquons différemment dans nos pratiques, nos matières et nos choix esthétiques, ce qui est très enrichissant. Vous ne trouverez rien sur ces productions car il ne communique pas pour l’instant.
Un livre ou une émission à nous conseiller ?
The Craft Project, un podcast sur les métiers d'arts et l'artisanat. Le livre « Le Prophète » de Khalil Gibran ou « L’Attrape-Coeur » de Salinger.
Un compte Instagram qui vous inspire ?
@curio_esoterica, compte qui recense des archives visuelles sur l'ésotérisme.
Une destination rêvée ?
Le Mont Saint Michel, le transibérien et l'Iran.
22/06/2021
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